Tome2

Tome #2

Urgence sociale, urgence écologique, urgence humanitaire, il y a urgence et nous ne voulons pas être de simples spectateurs, de simples illustrateurs.

Comme de nombreux autres photographes et journalistes, nous osons encore croire que les métiers de journaliste ou de photographe ne doivent pas être de simples caisses de résonance d’une actualité dont nous serions soustraits.

À l’heure où nous bouclons ce deuxième numéro d’États d’urgence, L’Aquarius a perdu pour la seconde fois son pavillon. Le bateau ambulance s’est fait pirate de l’humanitaire et la Méditerranée privée des ONG peut se gaver des âmes désespérées et vomir les corps de ces femmes, hommes, enfants, bébés, sur nos jolies plages dans l’indifférence générale. Les calculs politiques, les théories sur l’appel d’air terminent d’achever celles et ceux qui ne veulent que fuir l’enfer, vivre en paix.

Le seul appel d’air que l’on constate est celui de l’asphyxie, de la noyade. On meurt à nos frontières et nous devrions rester étrangers à ces drames au risque d’être condamnés. Être étranger à l’humanité, être étranger à l’écologie, être étranger aux systèmes de solidarité, voilà l’injonction qui nous est donc faite ! Circulez il n’y a rien à voir, rien à dire, rien à photographier.

Mais que l’on ne s’y trompe pas, s’il y a un Tartuffe en Europe, ce n’est pas l’Étranger mais bien nos propres dirigeants. Derrière la novlangue et les effets de langage des communicants, les mots et les images ont toujours une fonction et un sens. Nous ne voulons pas être complices de ce monde qui sombre chaque jour un peu plus dans l’injustice et la barbarie.

Alors, modestement, nous essayons à travers notre engagement d’apporter notre pierre à l’édifice. Notre métier, c’est aussi d’être toujours là pour rappeler que l’injustice n’est pas acceptable et que tant qu’il y aura de la souffrance nous continuerons à contribuer à la mettre en lumière pour qu’elle ne soit pas effacée dans l’ombre des puissants.

 


CONTRE VENTS ET MARÉES Yann Levy

Il y a des signes que l’on ne met pas longtemps à comprendre : l’agitation dans les couloirs, les crépitements dans les talkies-walkies, la sonnerie du téléphone…

Le silence à nouveau, le téléphone encore, des mouvements dans le couloir, ceux des marins-sauveteurs souhaitant discrètement en savoir plus et le silence derechef. Celui qui nous ronge les sangs, cette attente mêlée d’impatience et d’angoisse… Et puis après des heures d’attente et de recherche, ….

 

 


LES COLS DE LA SOLIDARITÉ Rose Lecat & Valentina Camu

Les réfugiés arrivent à Bardonecchia, la gare la plus proche du col de l’Échelle, passage vers la France, par la route de Névache. Je décide de m’y rendre et je rencontre des militants suisses et italiens qui contrôlent l’état du chemin.

Ces derniers jours, il a fait plus chaud que d’habitude et les risques d’avalanche sont très élevés.

C’est un facteur de danger, m’expliquent-ils, qui s’ajoute au manque d’expérience et d’équipement des personnes qui tentent le passage par cette voie.

La gare de Bardonecchia est le lieu d’arrivée des réfugiés mais aussi leur lieu de départ. La salle d’attente est devenue leur refuge mais, à 21 heures chaque soir, elle est fermée et ils se retrouvent dehors dans le froid…..

 


GRAND FROID Rose Lecat

Le 5 février 2018, il neige sur Paris. Face à la vague de froid, la préfecture de la région Île-de-France déclenche le plan « grand froid » pour protéger les personnes les plus vulnérables. Les tentes du campement de Jaurès, où vivent depuis des mois environ 200 migrants principalement afghans et pakistanais, sont recouvertes de neige. Sur le canal Saint-Denis, en passant entre les tentes du campement de la communauté africaine, je m’aperçois que les quelque 300 personnes vivant ici ont resserré leurs tentes sous le pont du périphérique pour échapper à la neige…

 


À DÉCOUVERTJulien Pitinome

La fin de la « jungle de Calais », en novembre 2016, ne signifie pas la fin de la présence des réfugiés dans le Calaisis. Aujourd’hui, la solitude est le quotidien du millier de réfugiés « survivant » sur place. Les pouvoirs publics installent une pression constante pour que les réfugiés ne se regroupent pas et disparaissent aux yeux des badauds. Les multiples évacuations des « camps de fortunes » ou la confiscation des tentes et duvets des réfugiés montrent qu’ils ne sont pas les bienvenus. Comme ils sont chassés par la police nationale, les CRS, les gendarmes mobiles…

 


CULTIVER LA RÉSISTANCE Valentina Camu

Février 2018. La nouvelle se diffuse. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne se fera pas. Les militants explosent de joie et décident de fêter l’arrêt du projet. Le combat est terminé, c’est gagné.  Trois jours de fête, beaucoup de monde se rend sur la zone, concerts,musique, on respire un air de joie. Les gens partagent ce moment malgré la pluie, la boue et le froid. Je danse sous le chapiteau avec eux, le sourire est partout .Le 9 avril 2018, l’expulsion de la Ferme des 100 Noms, le projet agricole emblématique de la ZAD, commence. C’est le début de la répression…

 


DUNKIRK Rose Lecat

En avril 2017, le camp humanitaire de La Linière,construit par Médecin sans frontières à Grande-Synthe(région Hauts-de-France) est évacué à la suite de sa destruction par un incendie. Deux mois après cette évacuation, de nombreux réfugiés kurdes et pakistanais reviennent dans les bois du parc naturel du Puythouck, pour essayer de passer en Angleterre.Fin mai, les familles sont évacuées du campement de fortune et placées dans des centres accueil et d’orientation(CAO). Au Puythouck, où seuls sont restés les hommes non accompagnés…

 


LE DERNIER RECOURS Julien Pitinome

Au détour d’un post sur les réseaux sociaux, je découvre qu’un refuge pour animaux de la ferme organise des portes ouvertes à Wattrelos, à quelques kilomètres de chez moi.

Ce 24 septembre 2017,je prends la route et je rencontre Christine Sardis. Cette« jeune fille », comme elle se définit, de 67 ans est à la retraite après avoir sillonné les rues de Roubaix dans le nord de la France avec son commerce ambulant.

L’amour pour les animaux, elle l’a depuis toujours….

 


MARCHER SOLIDAIRE Valérie Dubois

Bigarrée et joyeuse, « La marche solidaire pour les migrants » est entrée en nombre à Calais le 7 juillet2018, reçue triomphalement par un millier de Calaisiens.Égrainant en son cortège bénévoles, sympathisants d’un jour, « délinquants solidaires » et réfugiés, ils n’étaient qu’une quarantaine au départ de Vintimille (en Italie) mais près de 200 à l’arrivée. D’une frontière l’autre sur plus de1 400 kilomètres, en passant par 60 villes-étapes, l’idée était de sensibiliser les consciences tout au long du parcours.Pari réussi puisqu’un élan de solidarité a pris corps au furet à mesure du périple…..

 


POSTE DE COMBAT Nnoman

Depuis le lundi 26 mars 2018, entre 150 et 250postières et postiers des Hauts-de-Seine sont en grève. Ils protestent contre le licenciement abusif de leur représentant syndical, Gaël Quirante, et dénoncent les conditions de travail qui se dégradent.En 2009, lors d’un mouvement social, Gaël Quirante est visé par une accusation de séquestration de cadre de la Poste. Sur les 16 accusés, seul Gaël subit une répression au travail. Preuve que c’est un acharnement personnel. L’inspectrice du travail a déjà mis en évidence le harcèlement syndical dont il fait l’objet…

 


BAUER PARTYYann Levy

Après deux ans d’exil, le Red Star FC revient jouer dans son fief historique : le stade Bauer. Les supporteurs,la tribune, le foot populaire, j’aime.

J’aime photographier ces ambiances, ces émotions. Je décide de photographier le premier match, focus sur les ultras de la tribune Rino della Negra, le cœur de Bauer,un cœur qui bat à gauche, ancré dans une tradition progressiste.

À la suite de cette série, le club m’engage pour suivre l’équipe pendant toute la saison….

 


L’OCCUPATION DE PARIS 8 Rose Lecat

Le 30 janvier 2018 à l’aube, sur le campement du canal Saint-Denis, un groupe de migrants dormant dans des tentes depuis quelques mois est accompagné par des soutiens étudiants et militants, vers l’université de Vincennes-Saint-Denis. C’est le début de l’occupation du bâtiment A de Paris-8 par les exilés et leurs soutiens. Originaires du Soudan, d’Éthiopie, de Somalie, d’Érythrée ou du Tchad, les « habitants de P-8 » sont demandeurs d’asile, primo-arrivants, du blinés, déboutés de l’asile, en recours, mineurs ou réfugiés statutaires sans domicile…